Les Nuits pales  (4)

Doute

 

Comme un vol languissant de blondes feuilles mortes

Le souffle aigu du temps disperse les pensées,

Et les doux souvenirs, sur leurs ailes, emportent

Le parfum du passé aux tristesses fanées.

 

Et mes rêves perdus volent aux lointains bleus.

Errant dans le ciel vaste aux sombres profondeurs

Ils cherchent en pleurant dans ces mondes en feu

Le secret du néant aux sublimes horreurs.

 

Ô toi dont on m’apprit le nom dans mon enfance,

Vois, je n’ose plus croire, et pas encore nier,

Je suis seul pour douter et jamais l’espérance,

De son aile attendrie, ne viendra m’effleurer.

 

Vois, nous ne savons rien et voulons tout savoir,

Maintenant nous avons arrêté nos prières

Car nous priions toujours pour ne jamais rien voir

Nous attendions toujours d’illusoires lumières.

 

Dieu nous ne croyons plus à ta vaine parole,

L’espoir longtemps bercé s’échappe de nos cœurs

Et le vieux souvenir, avec d’autres s’envole,

D’un homme qui, jadis, soulagea nos malheurs.

 

Ce ne fut pas ton fils car tu n’en peux avoir.

Ce fut un génie, un prophète de lumière,

Un homme étrange et bon qui me disait le soir,

En murmurant, des mots pleins d’un vague mystère.

 

Ce ne fut pas ton fils, et ce qu’il dit de toi,

Hélas, ce ne fut pas la vérité brillante

Et nous fumes trompés en admettant la foi,

Mais il eut le cœur grand et la pensée brûlante.

 

Il entrevit ton nom dans les ténèbres sourdes,

Il murmura parfois le mot d’éternité,

Il ouvrit à nos yeux fermés de larmes lourdes

L’horizon radieux des cieux illimités

 

Janvier 1906