Les Nuits pales  (5)

Le soleil mort

 

J’ai vu le grand soleil mourir au fond des arbres

Dans un ciel tragique et hautain

Et son dernier rayon se posait sur les marbres…

Ô le dernier rayon du grand soleil lointain.

 

Dans les soirs je le vois qui se meurt de tristesse,

Au fond des arbres, tous les soirs…

Et je recueille en moi les divines caresses

De son religieux et calme désespoir.

 

J’aime suivre des yeux son immense agonie,

Dans le soir fraternel et bleu.

Et tu promènes ton sourire sur la vie,

Ô soleil, avec la douceur tranquille d’un adieu.

 

Janvier 1906

 

Mais demain tu viendras vers mon âme attentive

Tu viendras, tu viendras encor…

Et tu mourras toujours sous les branches plaintives

Dans l’éparpillement magique de ton or.

 

Et nous sommes aussi des lueurs qui frissonnent,

Et notre âme en fermant les yeux

S’en va divinement aux soirs tristes d’automne

Mourir comme un soleil grave et mystérieux.

 

16 Septembre 1908