C’était par un temps bleu, au loin l’horizon clair, Et des monts orgueilleux qui surgissent dans l’air, Le vent portait en lui les senteurs embaumées Des camélia éteints et des roses fanées. Je n’entendais rien dans ce rêve de fleurs, Que le bruit des ruisseaux glissant comme des pleurs, Et le voluptueux soupir de la nature, La voix de la forêt aux fantasques murmures.
Le soir tombe, puis vient le crépuscule clair, Un nuage indécis s’élève de la mer. Mon regard se perdant à l’horizon farouche Dans la rouge langueur du soleil qui se couche. Je pensais ou rêvais, et c’est bien différent, Penser c’est le travail fier d’un esprit ardent, C’est la lutte terrible et sans cesse nouvelle, Rêver, c’est le repos de l’âme aux larges ailes.
La nuit - De l’infini j’entendis une voix Incertaine d’abord et violente parfois, A mon oreille , par moments, la voix étrange Me parlait, et c’était un démon et un ange.
« Homme regarde moi, tu n’es rien, je suis tout, Quitte pour m’adorer, ton rêve, pauvre fou ! Mon nom ? - La Nuit - c’est moi qui dans le soir d’azur Mêle à la volupté lourde de ton rêve pur. C’est moi l’immensité noire et silencieuse, C’est moi la nuit….La nuit sombre et mystérieuse, Un spectre passe au loin dans le silence froid, Je suis la nuit de mort, et ce spectre, c’est moi !
Tu me sens dans ton cœur, homme, lorsque je passe, Lorsque, comme un oiseau du soir je fends l’espace, Alors on sent planer dans la douce atmosphère, Dans le ciel immobile un parfum de mystère, Un sublime inconnu, dans l’or silencieux Du crépuscule flou qui baigne les campagnes, Une mélancolie vague, au regret curieux. Le cri de la chouette au fond de la montagne. Un reflet terrifiant de l’infini sans fond, Qui pèse lourdement , ô rêveur sur ton front, C’est moi cet infini plein de terreur profonde, Et ce voile de plomb jeté sur votre monde. Et toi, grain de pensée ! Rêveur chétif et seul, Ne sens-tu pas tomber sur toi ce grand linceul ? Oui, je suis l’infini du soir tranquille et bleu Et lorsque lentement j’avance peu à peu Dans un baiser glacé enveloppant la terre, Tout rêve à l’infini, car je suis le mystère.
Je symbolise en moi l’avenir terrifiant, L’ombre, le doute fou, l’espace, le néant, Je suis le rêve comme toi, mais si ton rêve S’envole dans l’azur, sans repos et sans trêve, Le mien ne connaît pas d’autre monde que moi. La musique t’endort et bercé par sa voix, Tu ne retiens jamais ton âme qui s’envole. Et mon rêve en plus grand, plus triste et moins frivole, Mon rêve est monstrueux et froid, c’est la terreur, Le doute, le frisson d’effroi qui glace un cœur La mort !
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Contemplations 2 |