As-tu connu la question angoissante De ce grand au-delà qui sans cesse nous hante, N’as-tu jamais douté, perdu dans le ciel noir, N’as-tu jamais rêvé, au grand calme du soir ? Et bien ce doute sombre et ce sinistre effroi, Ces brûlantes questions vivent toutes en moi ! Et dans la nuit muette aux parfums de verveine, Je suis le doute affreux qui vivant se promène!
Je vivrai toujours car dans ton malheureux cœur Il y aura toujours place pour la douleur, Car l’homme doutera de Dieu et de lui même, Il doutera de lui, de moi, de ce qu’il aime, Il niera le néant après avoir nié Dieu. Or je suis le néant, dans l’ombre sépulcrale, C’est moi qui suis debout ou couchée, et qui râle Et dans les ossements de tous les trépassés Des atomes de moi parfois se sont glissés ! Je suis tout ! Je suis rien ! Je suis un rêve horrible Le fantôme vivant, du mystère terrible, Je suis l’océan gris, je suis l’immensité Je ne suis qu’une ombre, ou bien qu’une clarté.
Et dans la nuit tranquille et douce aux brises molles, Où, parmi les parfums et les harmonies folles, Dans la noirceur pâlie d’une vague clarté, Flottent les rêves purs et l’âpre volupté Où les vents murmuraient leur musique de bruit, Ainsi parla longtemps une âme de la nuit, Une âme terrifiante et vague, une âme lourde, Âme aussi de l’effroi, de l’obscurité sourde Du grand doute, et , muet, j’écoutais cette voix Qui parlait à mon cœur, et frissonnais parfois. Tout à coup, dans le ciel tristement incertain Une âme parla que j’entendis soudain Et cette voix disait à mon âme éblouie :
« Poète rêve encor, rêve à la poésie, Rêve, le rêve est doux, tandis que fuient les jours, Les jours pleins de travail, les nuits rêvent toujours. Rêve, le rêve est beau dans la volupté folle, Rêve, le rêve est grand dans l’immensité molle, Et je protégerai ton rêve longuement, Sur lui je m’étendrai chaque soir doucement Sur ton âme d’azur je poserai mon aile, Pour que ton cœur s’endorme enfin dans la belle nuit Tu es ici chez moi, dans l’air rêveur et lourd, Tu es ici chez moi, homme, je suis l’amour !
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Contemplations 3 |