Soleil couchant

 

Le chant du rossignol s’élève sous les arbres,

Le crépuscule passe au front des arbrisseaux,

Et les fleurs ont fermé leurs pétales de marbre,

Et sous les grands sapins les myosotis sont clos.

 

C’est l’heure… plus de bruit… la nature craintive

Frissonne doucement sous l’haleine du vent,

Des sources éloignées, la voix devient plaintive,

Et les étoiles d’or perlent au firmament.

 

C’est l’heure où lentement s’endorment les campagnes,

L’heure où de l’aigle noir le vol s’appesantit

Le soleil s’est couché derrière les montagnes,

Dans son antre lointain la lionne rugit.

 

Heure mystérieuse où mille voix discrètes

Chantent confusément l’adieu au jour qui fuit,

Où la grande forêt dans ses plaintes secrètes

Parle dans son langage à la lune qui luit.

 

Heure douce et sereine, heure du grand mystère,

Heure qui passes vite et t’envoles sans bruit,

Heure d’amour caché, heure unique sur terre,

Ô dure, dure encore et prolonge la nuit.

 

Le crépuscule d’or étend son voile sombre,

Du ruisseau bourdonnant l’onde se ralentit,

Et les arbres géants se reflètent dans l’ombre,

Tristes spectres du soir au dessus  de ton lit.

 

A l’horizon rempli de vapeurs, le soleil

De ses feux alourdis ne rougit plus le ciel,

Un calme singulier tombe sur la nature,

La forêt frissonnant de volupté, murmure

 

Des paroles d’amour au crépuscule d’or

Et comme un vol d’oiseaux de nuits perd son essor,

Le soir laisse tomber sur nous le grand silence,

Lentement, pas à pas, l’obscurité s’avance.

 

Aux lointains frissonnants s’estompe le Vésuve

Une brise saline arrive de la mer,

Et le golfe tranquille a des lourdeurs d’étuve,

Et parfois le ciel bleu s’entrouvre en un éclair

 

Des ruines de Pompéi, aux cimes du volcan,

La douce solitude aux senteurs d’asphodèle,

Semble glorifier la tête du géant,

Et poser sur son front sa couronne immortelle,

 

Et les lutins de l’air qui dansent tout autour,

Et les spectres grandis des fantômes sylvestres,

Semblent s’enfuir parmi les profondeurs terrestres,

Et parfois leur cri rauque éclate dans l’air lourd.

 

Août 1902  /  Janvier 1904

Contemplations

Contemplations 2

 

Contemplations 3

 

Contemplations 4