Les Nuits pales  (10)

Adieu

 

Puisque la destinée exige que tu partes,

Et veut que loin de moi son tourbillon t’écarte,

Puisque sur mon chemin rien ne peut t’arrêter,

Puisque nous nous quittons pour une éternité,

Puisque le vent t’emmène et que le vent t’emporte,

Et ne me laisse rien de ce que tu m’apportes,

Adieu, nos deux chemins se sont croisés un jour,

Tout est fini, le temps s’envole sans retour.

Adieu, le souvenir me reste seul, je l’aime

En souvenir de toi… Il est triste quand même,

Car il s’y mêle un vague et fantasque regret,

Qui plane sur mon cœur  ainsi qu’un feu follet…

Adieu, pas un regard en arrière…

                        Ô  pourquoi

Me faudra-t-il toujours vivre éloigné de toi,

Pourquoi ne pouvons nous remonter notre vie ?

Pourquoi faut-il marcher le cœur gonflé d’envie ?

 

Restons là, arrêtons notre marche un instant,

Sur le talus fleuri du chemin creux montant,

Asseyons-nous, l’air tiède et calme nous caresse,

Et le soleil brûlant consacre notre ivresse,

Tout chante et tout s’anime autour de nous, tout rit

Puis lente et solennelle arrivera la nuit,

Sur nos têtes penchées, jetant un rêve sombre,

Arrêtons nous ici, reposons nous dans l’ombre…

 

Mais non il faut marcher, et toujours plus avant,

Nous devons oublier notre amour en marchant,

Il nous est défendu de penser l’un à l’autre

Adieu donc pour toujours, car le malheur est notre,

Adieu, mais cependant songe à moi quelque soir,

Songe que pour toujours je t’aime sans espoir …

 

1904