L’âme vivante des siècles morts (1) |
Il faisait nuit, la lune au ciel était glacée Et la terre dormait, pensive, en son tombeau. J’étais seul dans la mort des ombres parfumées Dont les frissons du soir évoquent les sanglots.
Il me semblait entendre à l’horizon Un murmure indécis de mots et de désirs Et j’écoutais tremblant cette étrange chanson Vague ainsi que la voix craintive des soupirs…
Il me semblait parfois que dans ma solitude Il y avait quelqu’un qui me veillait sans bruit, Alors je devinais, sans rien voir, l’attitude Du compagnon glacé que me donnait la nuit.
Le cœur plein de frissons, je devinais son âme Et les mots douloureux qu’il me disait tout bas Et je croyais parfois que c’était une femme Qui parlait à mon cœur et qu’il n’entendait pas.
Dans l’ombre du néant grelottait son sanglot Les étoiles du ciel pleuraient de sa douleur Tandis que la forêt où chantonne l’écho Répondait à sa voix et répétait ses pleurs.
C’était dans l’éternelle immensité des choses, Un éternel concert de paroles obscures, Où je voyais mêlés dans les parfums des roses Les rêves de la nuit et les larmes d’azur.
J’y voyais ce fantôme immense et souverain Des siècles qui sont morts et des feuilles qui tombent, Et le grand tourbillon des souvenirs éteints Et les frissons du soir et les parfums des tombes…
Alors je m’écriai dans la nuit souveraine….
Ô toi qui dans mon cœur se glisse chaque jour, Toi qui parle à mon âme en ta langue lointaine Et dont je n’entends pas les paroles d’amour
Dis moi quel est ton nom, âme des nuits d’automne Quels sont les mots divins que ta bouche me dit Quelle est la langue d’or qui sanglote et frissonne Sur ta lèvre sacrée, douce à mon front maudit ?
Pourquoi ne puis-je pas t’écouter et t’entendre, Rêve mystérieux et lent comme un baiser… Et pourquoi mon esprit ne peut-il pas comprendre Les splendeurs infinies que tu dois lui montrer ?
Hélas je suis un homme et la terre m’enchaîne, Je ne puis m’en aller dans l’infini divin… Oh ! Ne me laisse pas dans cette ombre où m’entraine Le désespoir muet du silence lointain…
Sauve moi du malheur, sauve moi des souffrances Âme des siècles morts toujours vivante en moi . |
Hymne à la mort |