L’âme vivante des siècles morts (2) |
Hymne à la mort I
Un poète n’est pas un troubadour rêveur Qui va dans le jour bleu ruisselant de bonheur En chantant la chanson de l’amour et du rêve Et le printemps, jeunesse où bouillonne la sève. Pourquoi rester toujours dans le génial domaine Où s’étale à loisir, sans contrainte et sans gêne Le réel enfantin, hochet à nos tourments ? L’esprit dans l’infini s’enfonce lentement, Laissant derrière lui la poésie futile Qui tremble gracieuse et gaiement inutile. Depuis que Goethe mit, dans un immense effort, Le rythme de ses vers comme une science d’or Et qu’il personnifia la grande poésie, Le poète a pour rêve infini notre vie.
II La vie est un chemin qui monte et qui descend, En gravissant la pente on marche lentement, Et l’homme en avançant ne voit pas le sommet, Mais les fleurs du chemin qu’il cueille où qu’il néglige, Pour prendre les fruits d’or qui brillent sur leurs tiges. Il marche lentement mais ne peut s’arrêter. Hommes n’hésitez pas à moissonner les roses, Le sentier d’infini où passent toutes choses N’a de fleurs qu’ici bas. Elles vous fuient et jamais Vous ne les reverrez devant vous désormais…
III On arrive au sommet, à nos yeux se déroule Une pente sans fin, où l’on glisse, où l’on roule, Les fleurs et les fruits d’or ont disparu, la-bas Se creuse un gouffre affreux où nous mènent nos pas, Et rien n’arrêtera cette chute terrible. Chaque heure la rapproche et la rend plus horrible, On voudrait s’accrocher aux pierres du chemin, Aux ronces même. Tout s’arrache sous la main. La mort, après avoir vu la vie ! Elle effraye, Comme dans la nuit calme un hurlement d’orfraie, Elle inquiète parfois le philosophe ardent, On la voit, loin, plus près, plus près encor… Pourtant, De tous ceux qui montaient cette pente fatale, Bien peu songeaient parfois à l’ombre sépulcrale, Ils vivaient espérant le mal comme le bien, Pourtant de notre vie nous ne prévoyons rien, Qu’elle, la mort auguste, en son suaire livide… Il en est qu’elle effraie ou tente par son vide, Et d’autres sont ainsi, qu’ils ne la craignent point, Mais cherchent seulement ce qu’il y a plus loin...
(Suite) |