L’âme vivante des siècles morts (3) |
Hymne à la mort (suite)
IV La mort, c’est bien, et puis ? Est-ce tout ? Le tombeau, Cette porte d’airain n’a t elle d’autre issue Que la vie malheureuse et le néant plus beau ? Est ce la fin de tout pour nos âmes déçues ? Est ce l’évolution de la vie, cette mort ? On tombe dans le gouffre aux étincelles d’or, Tout disparaît…!
V Ô mort, tu n’es rien que la vie, A toi mon rêve obscur, à toi ma poésie ! On dit que tu n’es rien et qu’après toi l’esprit Tombe dans une mer sans fond qui l’engloutit. Non tu n’es que la vie, la porte salutaire De l’au-delà serein aux rêves de mystère, La vie en cette terre est parfois vide, hélas ! L’inconnu nous attire et nous ne savons pas, Si dans l’ombre sans fin du firmament terrible Nous ne trouverons pas quelque chose d’horrible, D’immense, de puissant, d’inconnu, de nouveau, L’au-delà, qu’effrayés nous trouverons trop beau ! Ô mort, salut, je veux dans l’ombre de ton suaire, Chercher cet inconnu qui nous fuit sur la terre, Je veux en franchissant cette étape nouvelle, En marchant lentement vers notre éternité Trouver la source unique et vraie de volupté !
VI Asile inépuisable et gardienne tutélaire, De tous les désespoirs et de tous les malheurs Immobile et sereine au milieu du mystère, Tu reçois dans nos bras les crimes de nos cœurs, Tu es pour la douleur le dernier des refuges Tu es pour nos passions le plus tendre des pièges. Comme le vent du soir chasse les feuilles mortes, Les souffles de la vie en ton sein tu emportes. Ô mort, ô volupté acre de la douleur, Volupté d’infini, d’inconnu et de rien Fantôme du néant ou spectre du malheur, Ô mort, ouvre pour moi ton linceul aérien…
13 mai 1905
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