Dans la nuit d’été
Voici l’heure sereine où la nuit opaline Jette un voile doré sur le monde engourdi, Où la lune d’argent, de sa lumière fine, Verse un rayon d’azur dans l’immense infini.
Les parfums de l’été, lourds et chargés d’ivresses, Montent comme un brouillard vers l’astre pale et blond, Et la brise du soir, aux troublantes caresses, Sur les arbres muets passe comme un frisson.
Parfois à l’horizon, une musique vague S’élève vers le ciel, comme un soupir d’amour. C’est la voix de la nuit qui rêve et qui divague, Un parfum d’harmonie égaré dans l’air lourd.
Cette voix que le vent étouffe sous son aile, Est pleine de baisers, de cris et de soupirs, Des effluves d’amour de la nuit éternelle, Des sourdes voluptés de ces nuits de désirs.
J’étais seul au milieu des souffles de l’été, Et, craintif, je rêvai au pale clair de lune, Dans l’air mystérieux et plein de volupté, Sur les bords d’un grand lac, calme dans la nuit brune.
La-haut dans le ciel noir une étoile amoureuse, Brillait comme un clou d’or au firmament obscur, Et je voyais dans l’eau doucement lumineuse L’astre tranquille et doux jetant son éclat pur.
Alors, dans le remous du lac, il me sembla Que le rayon doré coulait dans l’eau limpide, Et je fus effrayé, et cela me troubla, L’étoile en diamant pleurait dans l’air fluide.
25 Juin 1905
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Des nuits et des nuits (3) |